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Rentrée scolaire traumatisante, comment l’aider ?

il y a 11 mois

Bonjour,

Ma fille est rentrée en septembre 2023 pour la première fois à l’école. Gardée en crèche précédemment, elle a commencé a avoir des difficultés de séparation suite à la démission de sa référente et deux autres professionnelles qui la connaissaient depuis 1 an.

Pour sa rentrée, des visites de l’école ont été faites. Le jour J, les parents ont pu rester dans la cour et la classe avec une 2ème visite des lieux par la directrice. J’ai ensuite tenté de la présenter à la maîtresse et l’atsem mais elles étaient tellement occupées du fait du nombre de parents que l’échange a duré moins d’une minute. Quand j’ai voulu partir, les ennuis ont naturellement commencés avec des pleurs. Je l’ai récupéré fin de matinée avec la voix éraillée (qui est restée 48h) en suffocant de fatigue et de sanglots. La maîtresse m’a expliqué qu’elles n’avaient pas pu l’approcher car ma fille hurlait dès qu’elles souhaitaient s’approcher d’elle.

A partir de midi, j’ai dû la changer 5 ou 6 fois au moins car elle s’urinait dessus.

La nuit a été un enfer avec un nombre incalculable de réveils. Le lendemain, un mercredi, je l’ai gardée avec moi. Le jeudi, elles ont dû la ceinturer pour ne pas qu’elle parte en courant me rejoindre. Je ne voulais pas faire ça mais me suis sentie obligée du fait de l’obligation légale de présence à l’école. Aujourd’hui, je le regrette. Ma fille n’a plus fait une seule nuit complète pendant 1 mois et j’ai dû la prendre plusieurs fois dans notre lit pour enfin que tout le monde puisse se reposer.

Aujourd’hui, c’est toujours compliqué. Elle peut hurler pendant 45 min le matin avant que je l’emmène. La journée à l’école se passe bien par la suite. En revanche, c’est toujours à la maison que nous avons ensuite les cris, la colère et les frappes de sa part. Tout ça est systématiquement, renforcé par la fatigue.

Aujourd’hui, j’ai eu un avis défavorable suite à ma demande de levée de l’assiduité les après-midis. Sa maîtresse est en effet contre du fait que les journées se passent bien. Bien sûr, elle ne tient pas compte du fait qu’on doive encore la ceinturer tous les matins pour ne pas qu’elle fuie. Elle est donc réveillée à 15h pour l’activité de l’après-midi de l’école alors qu’elle peut dormir chez nous facilement jusqu’à 15h30, et parfois 16h quand elle en a besoin.

Je ne vois pas l’intérêt de ma fille dans tout cela. Nous le vivons comme de la maltraitance institutionnalisée et devons la regarder grandir, impuissants, se débattre avec elle-même.

La réponse de notre expert

SALINIER Catherine, Dr, Pédiatre Pédiatre Ambulatoire & Past Présidente de l'AFPA
 Dr Catherine SALINIER

Bonjour Madame,

Je suis assez d’accord avec vous sur le fait que l’école maternelle obligatoire à 3 ans pour tous est quelque chose d’injustifié et d’assez dur voire violent pour de rares enfants qui ont des difficultés de séparation (que cette situation met d’ailleurs à jour et permet de considérer). Par contre, je n’irais pas jusqu’à parler de « maltraitance », mot qui pour moi doit être réservé à des choses bien plus violentes encore et non pas suscitées mais punies par la loi.

Et si je me permets de relever ce mot, c’est justement pour vous aider à prendre du recul face à cette situation. Ce que je veux dire quand je parle de situation de difficultés de séparation, c’est que cette difficulté peut aller dans les deux sens. C’est à dire aussi pour vous, vis-à-vis de votre enfant. La façon dont vous me racontez les choses :

  • « Le jour J » : on sent à votre formulation que pour vous aussi c’était un jour d’importance majeure)
  • « J’ai voulu aller la présenter à la maitresse et à l’ATSEM » : alors même que cela n’était pas prévu, car c’est évidemment impensable que 25 ou 30 enfants soient présentés individuellement sauf si ç’a été prévu et aménagé)
  • « On doit la ceinturer » : on sent la violence que vous ressentez car vous pourriez dire « tenir » ou « maitriser »
  • « Pour ne pas qu’elle fuie » : vous pourriez dire « parte »
  • « Levée de l’assiduité » : qui me fait penser à levée d’écrou

Vous allez penser que je joue sur les mots, mais il me semble, à vous lire, que la séparation dès le début (dès la crèche) est aussi un moment très difficile pour vous. Et vous le savez, les enfants ressentent très profondément le ressenti et l’humeur des parents.

Je vous demande de bien réfléchir à cela et d’essayer de mieux rassurer votre enfant en étant vous-même très calme, sereine et positive dans cette situation de séparation. Vous savez très bien que tous les enfants qui vont bien s’accommodent de l’école maternelle (malgré pour certains 1 à 2 semaines de difficultés à la séparation du matin). Pour les autres, ceux pour qui la difficulté persiste, je conseille volontiers une prise en charge par un.e psychologue pour dénouer cette angoisse de séparation et éviter que tout cela s’enkyste.

Je remarque que les journées de votre fille se passent bien. Elle est donc capable de « prendre sur elle » et de maîtriser son angoisse de séparation. Evidemment, quand elle se retrouve « libérée » et dans son havre de sécurité (près de vous), elle se lâche et exprime sa colère. A vous de l’accepter avec calme et sérénité sans vous sentir déstabilisée ni souffrante de sa souffrance que vous imaginez (« maltraitance« , « impuissants « , « regarder se débattre » : que de mots trop forts à mes yeux face à cette situation !). A vous de vous montrer solides et confiants pour qu’elle le soit…

Je peux comprendre que cela ne vous soit pas possible car peut-être avez vous aussi vécu des choses difficiles de l’ordre de la séparation. Alors si c’est le cas, faites vous aider toutes les deux ou même tous les trois puisque vous semblez me dire que son papa n’est pas plus rassuré que vous, car vous dites « nous le vivons comme…« . Allez consulter un.e psychologue, tout le monde se sentira beaucoup mieux.

Voilà un peu la réflexion qui me vient et que je soumets à la vôtre. Mais il me semble que votre enfant chemine dans le bon sens de l’adaptation, aidez-la à faire grandir cette graine d’autonomie et de maîtrise en acceptant ses colères du matin et du soir avec philosophie, calme, presque humour : « je sais que c’est encore difficile pour toi mais j’ai confiance je sais que tu vas y arriver ».

Et moi, je suis sûre que vous allez y arriver aussi.