arrow-left3 Retour

Partager

Mon bébé de 14 mois sélectionne ses aliments, que faire ?

il y a 2 ans

Bonjour,

Ma fille n’a jamais mangé correctement depuis sa naissance déjà elle ne prenait pas « assez » de lait. Les biberons ont toujours été compliqué. Puis avec la diversification à 4 mois nous avons eu l’espoir qu’elle ait plus d’appétit mais cela n’a duré que le temps de la découverte. Lorsqu’elle est chez sa nounou elle mange bien, quelques morceaux (même si c’est encore difficile à 14 mois…). Mais quand elle est avec nous c’est très très compliqué au point que les repas sont devenus source d’angoisse (en septembre nous avons eu 3 semaines de vacances où elle a tout simplement refusé quasiment tous ses repas…). On la laisse faire ce qu’elle veut, elle prend la cuillère, joue avec, prend quelques cuillerées et à côté on lui donne à manger avec une autre cuillère. Comme ça elle mange un peu mais rarement autant que chez sa nounou. J’ai discuté avec sa nounou pour savoir ce qui pouvait être différent mais je ne vois pas à part que ce n’est pas nous, ses parents. Parfois elle refuse catégoriquement de manger, souvent le dimanche… J’ai l’impression qu’elle est perturbée par le rythme chez sa nounou et à la maison pourtant nous respectons les mêmes horaires. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour l’encourager à manger mais rien ne fonctionne et aujourd’hui nous ne savons plus quoi faire.
Depuis ses 8 mois elle ne boit quasiment plus qu’un biberon par jour , le matin, et rien d’autre. Nous lui donnons des yaourts pour compenser. Quand on y arrive.
Notre fille ne mange pas de morceaux à part quelques fruits. On dirait qu’elle a un blocage face à la nourriture. Vous l’aurez compris, nous sommes perdus et inquiets pour son développement car depuis le mois d’août elle n’a pas pris de poids (mais a grandit).
On nous dit d’être indifférent ou de lui proposer plusieurs choses à manger mais tout ça nous avons déjà essayé de le faire sans succès.

Le problème vient de nous visiblement mais que doit-on faire ?

Je vous remercie pour le temps que vous avez pris pour me lire et pour les conseils que vous pourrez m’apporter.

Cordialement.

La réponse de notre expert

BOCQUET Alain, Dr
Dr Alain BOCQUET

Bonjour,

Il est tout à fait rassurant de constater que votre enfant mange bien chez sa nounou. En effet cela élimine un trouble de l’oralité.

La grande différence entre la nounou et vous c’est que la nounou a son assurance et son expérience de professionnelle qui sécurise votre enfant alors que vous vous avez vos angoisses de parents : est-ce que je donne correctement à manger à ma fille ? Est-ce que ma fille a suffisamment mangé ? Est ce que les aliments refusés ne vont pas entraîner des carences en tel ou tel nutriment ? Est ce que sa croissance est suffisante ? etc, etc… Votre fille ressent ces inquiétudes (légitimes) mais qu’il ne faudrait pas laisser percevoir à votre fille.

L’acceptabilité de nouvelles saveurs et de nouvelles textures varie d’un enfant à l’autre. Elle est favorisée par la convivialité. Les repas, les moments de plaisir en famille, sans télévision, facilitent la découverte de nouveaux aliments. Cette découverte est aussi favorisée par l’imitation d’autres enfants en collectivité. L’exemplarité est efficace à l’inverse du raisonnement.

L’éducation au goût est avant tout un plaisir : un sentiment naturel pour les aliments denses mais à apprendre pour les autres. La participation de votre fille au marché et à la préparation des repas est conseillée pour lui apprendre à connaître les aliments : elle les appréciera davantage. On peut éviter la monotonie en jouant avec les épices et les herbes aromatiques.

Si votre fille refuse un aliment il faut l’encourager à le goûter, attiser sa curiosité, tout en respectant ses goûts et son appétit, sans jamais la forcer. Il faut lui proposer de nouveau avec persévérance et en changeant les présentations : le chou-fleur est préféré en gratin plutôt qu’à la vapeur ou en salade. Un aliment refusé peut (doit) être proposé jusqu’à 8 à 10 fois sans se décourager, avec bienveillance, car souvent ces propositions successives permettent l’acceptation de l’aliment initialement refusé. Il faut respecter le rythme de 4 repas quotidiens et ne pas remplacer un aliment refusé par un autre, ni compenser les refus par des aliments de grignotage entre les repas. Même si vous pensez qu’elle a trop peu mangé à un repas il faut attendre le repas suivant sans aucune compensation entre les repas.

La proposition de morceaux (légumes, fruits, fromage, etc.) doit être favorisée. Les morceaux doivent être donnés dans une petite assiette séparée de la nourriture mixée, afin que votre fille les prenne elle-même avec ses doigts pour les porter à sa bouche. Il faut éviter de mélanger des morceaux avec de la purée ou de la compote dans une cuillère car votre fille aura des haut-le-coeur, ne sachant pas gérer deux textures différentes en bouche. Il faut éviter les aliments durs comme la carotte ou la pomme crue, et couper les petits aliments ronds comme les tomates cerises ou les grains de raisin.

À table il ne faut pas surveiller ce que mange votre fille et ne montrer aucune inquiétude si elle a peu mangé. Des portions trop importantes risquent de la décourager : il vaut mieux qu’elle sache écouter sa faim et sa sensation de satiété afin de s’auto-réguler. Il faut éviter le chantage, les réprimandes ou les punitions si elle a peu ou pas mangé, et ne pas la féliciter ou la récompenser si elle a bien mangé. Vous devez éviter d’évoquer sans cesse ce problème à votre fille, et d’en parler entre vous ou à une tierce personne devant elle : elle se rend compte qu’elle a un pouvoir sur vous en refusant la nourriture, et elle peut en jouer, surtout si elle a une personnalité forte. Un besoin d’opposition peut développer une hyper-sélectivité et vous mettre en échec. Vous devez montrer par votre attitude que le refus de manger vous est indifférent et faire comme si cela n’avait pas d’importance pour vous. Si les repas deviennent un combat et une source d’angoisse pour chacun ceci aggrave l’impossibilité de partager du plaisir aux repas. Plus vous répondrez par la contrainte à cette opposition plus elle s’affirmera et plus le conflit s’aggravera et se focalisera sur l’alimentation pour longtemps. Votre fille ne va pas dépérir même si elle saute quelques repas., d’autant plus qu’elle mange correctement chez sa nounou. Plus vous serez permissifs dans l’alimentation de votre fille (courses d’après ses goûts, aliment récompense, remplacement d’aliment refusé, etc.), plus elle sera sélective.