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Gestion de deuil pour préadolescent et enfant de 3 ans

il y a 4 semaines

Bonjour à tous,

Hier soir, mon beau-frère (trente-neuf ans) est sorti de sa maison en pyjama, comme pour sortir les poubelles, a pris une dernière fois son benjamin dans les bras… nous ne le reverrons plus jamais. Il a, potentiellement, eu un coup de folie, car il a mis fin à ses jours non loin de la maison familiale, laissant derrière lui sa femme enceinte, ses enfants et une famille qui l’aime. Il a envoyé des SMS d’adieu, puis plus de signes. Il n’a jamais eu d’antécédents psy, avait certes eu un coup de mou au travail suite à un harcèlement incessant et violent de son ancien patron. Mais il avait depuis quitté ce poste qu’il avait occupé pendant de longues années et avait repris un nouveau travail dans lequel il avait l’air plus épanoui. Il avait même fait un road trip avec des amis, il n’y même pas un mois de cela. Nous avions passé les fêtes ensemble et il était même présent avec nous avant-hier et avait l’air normal et relativement heureux. Il n’a aucun problème financier ou administratif et est un mari et père aimant et très impliqué dans l’éducation de ses deux fils. Nous avions tout d’abord pensé à une disparition avant qu’il ne soit retrouvé aujourd’hui par la police dans la forêt avoisinante. Le choc et la détresse ne nous ont pas quittés depuis. Mon beau-frère était la personne la plus intègre, gentille, serviable, intelligente que j’ai pu connaître… Nous avons cherché ses enfants à l’école cet après-midi, la maman, bonne pédagogue grâce à son métier, s’est chargée d’expliquer tant bien que mal la situation à leurs enfants, petits et préados. Je suis complètement perdue, la principale aide que je peux apporter est ma capacité à aider et encadrer ces enfants. Je dois leur trouver au plus tôt un accompagnement psy solide dans le 95, le 93 ou à Paris. C’est assez urgent. Auriez-vous des recommandations, aussi diverses soient-elles, pour accompagner mon conjoint, sa sœur et l’ensemble de la famille dans cette épreuve ? Des contacts psychologiques ou psychiatriques que vous pourriez recommander ?

La réponse de notre expert

SALINIER Catherine, Dr, Pédiatre Pédiatre Ambulatoire & Past Présidente de l'AFPA
 Dr Catherine SALINIER

Bonjour Madame,

C’est terrible et je comprends votre détresse immense et celle de toute la famille.

Ce que l’on sait, pédiatres et psychologues, c’est qu’il n’est pas nécessaire de se précipiter chez un professionnel. Cela viendra dans un second temps. Ce qui est très important actuellement, c’est la cohésion familiale dans ce malheur et ce que chacun peut apporter aux autres avec l’amour d’une famille mieux que la technique psychologique. Il y a un chemin de douleur incontournable à faire ensemble avec courage. Il est important de pleurer ensemble ou seul dans son coin comme on a envie. Il faut se garder d’essayer de comprendre l’incompréhensible et de tourner en boucle des questions sans réponses… Il est important de demander l’aide d’amis proches, de personnes un peu distancées que le cercle immédiat qui seront plus calmes et pourront vous donner un peu de force, ne serait-ce qu’en vous écoutant, en étant là, en préparant des repas pour aider et en venant vous tenir compagnie même sans parler… peu importe. En entourant cette maman… Vous êtes là pour cela, même blessée vous-même.

En ce qui concerne les enfants, ce qu’on doit leur dire dépend bien sûr de leur âge. Leur maman a eu le courage de leur annoncer, elle a eu cette force et ainsi en a donné à ses enfants. Elle est pour eux le meilleur exemple d’acceptation même de l’horreur. Néanmoins, il est important qu’ils puissent avoir la possibilité de parler aussi avec un adulte de la famille moins meurtri qu’elle. Je pense par exemple aux grands-parents ou oncles et tantes de sa famille à elle, à condition qu’ils soient très liés depuis toujours ou à des amis très proches du couple et des enfants.

Pour ce qu’on doit dire aux enfants au-delà de la mort de leur papa, il est très important de les laisser poser des questions et de répondre à leurs questions sans aller au-devant. Les questions viendront avec le temps. Les enfants se protègent spontanément de ce qui est trop douloureux et protègent aussi leur entourage. Il est très très important qu’ils sachent qu’ils peuvent poser des questions s’ils le souhaitent, mais qu’ils n’y sont pas obligés. Qu’ils le feront quand ils pourront. Il est très important aussi de ne pas changer leur vie actuellement, de les laisser aller à l’école, de les laisser jouer…

Pour expliquer le suicide, je dis à mes petits patients qu’il s’agit d’une maladie très grave de la pensée ou des idées qu’on appelle la dépression et qui parfois ne se voit pas.  Comme il y a des cancers du corps qui souvent guérissent, mais parfois font mourir, il y a comme des scanners, des idées qui rendent les personnes tellement malheureuses qu’elles préfèrent mourir. Elles se donnent la mort même si pour cela, il leur faut quitter ceux qu’elles aiment et même si elles savent qu’elles vont faire souffrir. Au moment où elles décident de mourir, ces personnes ne peuvent plus réfléchir, leur pensée est bloquée et plus rien ne compte… mais encore une fois, on ne dit cela à un enfant que s’il demande des explications et on y va par petits pas selon sa compréhension. On peut dire aussi qu’on ne comprend pas soi-même pourquoi il a fait ça.

Je vous conseille les articles de Mpedia sur le deuil et des livres sur la mort pour le tout petit.

En ce qui concerne des adresses de psychologues (aussi indiqué qu’un pédopsychiatre dans ce cas-là) je n’en ai pas à vous donner, mais le médecin qui suit les enfants saura à qui adresser.

Mais encore une fois, ce n’est pas urgent. Il faut laisser passer la période aiguë. Dans quelques semaines oui.

Je vous souhaite beaucoup beaucoup de courage à tous.