Mis à jour le 24 octobre 2022 Dr Anne MAHE GUIBERT
Voici le troisième et dernier article sur la mort. Pour introduire ce sujet très lourd mais pour lequel j’ai été de multiples fois sollicitée, je vous livre cette phrase de Jeanne Benameur glanée parmi mes plus belles lectures de l’été « Les mots écrits, ceux des livres, enseignent mais il préservent aussi, même s’ils racontent les choses les plus folles et les plus cruelles, parce qu’ils ont été écrits par quelqu’un qui a pris le temps de les penser. » Ceux qui partent, Actes Sud.
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La mort d’un parent
- Les jours heureux, Antoine Dole, Seng Sung Ratanavanh, Nobi Nobi
Deux enfants partent dans la ville qui fête le printemps à la rencontre des souvenirs de leur maman disparue à l’automne. L’ambiance est japonisante, les illustrations florales et le texte en aïku est délicat et empreint de philosophie orientale.
- Le pays du silence, Jina Moon, Circonflexe
Une texte un brin étrange, où l’on accompagne deux enfants dans un monde onirique à la rencontre du souvenir de leur papa défunt. C’est poétique et doux. C’est une jolie manière de suggérer que la mise en lien par le souvenir apaise un peu la douleur de l’absence. Les illustrations ont un style naïf en accord avec le texte simple et épuré.
- Le ciel d’Anna, Stian Hole, Albin Michel
Une fillette et son papa dialoguent. Rien n’est dit mais l’on devine qu’ils se préparent aux obsèques de la maman. Des multiples interrogations d’Anna aux réponses évasives de son papa, le texte nous emporte dans l’après avec candeur, poésie et même fantaisie. La tristesse, le sentiment d’injustice, la douleur sont présentes en filigrane dans cet album aux illustrations très composées foisonnantes de détails avec un petit côté baroque qui suggère un au-delà à l’atmosphère onirique.
- La poupée de Ting Ting, Ghislaine Roman, Régis Lejonc, Seuil
Un très beau récit empreint de culture asiatique. On est au milieu des rizières embrumées magnifiquement représentées par Régis Lejonc et l’on accompagne Ting Ting et sa grand-mère qui ont une belle complicité. Ting Ting a égaré la poupée fabriquée et offerte par son papa, le jour de l’orage, le jour où il n’est pas rentré… C’est un beau texte sur les liens intergénérationnels, sur le deuil, le souvenir.
- Tout autour, Ilya Green, Didier Jeunesse
Une petite fille raconte la vie d’avant, insouciante et heureuse, en symbiose avec sa mère et avec la nature environnante. Puis c’est la fracture, la maladie et le décès de la maman. Et tout doucement la vie qui reprend, l’ouverture au monde et à l’autre, salvatrice. Un texte très poétique, parfois un brin elliptique laissant le soin à chacun d’élaborer sa reconstruction et de renaître.
- La croûte, Charlotte Moundlic, Olivier Tallec, Père Castor Flammarion
Un texte très fort qui donne la parole à un enfant dont la maman vient de mourir. Des dernières paroles échangées avec sa maman, à la détresse du papa qui lutte contre son chagrin, en passant par la visite de la grand- mère, l’enfant nous prend à partie avec une spontanéité et une franchise désarmantes. Beaucoup d’émotion dans cet album aux illustrations dominées par le couleur rouge peut être en référence à la colère et la révolte de l’enfant face à la douleur de la perte mais aussi probablement pour soutenir la métaphore de la croûte qu’il gratte car la douleur lui permet de se remémorer la voix de sa maman.
- Moi et rien, Kitty Crowther, Pastel
Un texte un brin étrange où une petite fille partage la tristesse de la perte de sa maman avec un ami imaginaire qu’elle appelle Rien. Son papa empêtré dans son chagrin ne parvient pas à l’aider. Il faudra la magie de la nature et l’éclosion des pavots bleus de l’Himalaya pour que père et fille se retrouvent dans le souvenir de cette maman disparue.
- Au revoir Maman, Rébecca Cobb Nord sud
Dans cet album le narrateur vient de perdre sa maman. Cette parole enfantine qui raconte le deuil est à la fois simple et émouvante. Il y a de la candeur, de la tristesse, de l’espoir, de la tendresse et de la résilience. Les illustrations ont aussi un trait enfantin qui s’accorde très bien au texte et lui confère un peu de légèreté malgré la gravité du sujet.
- Un petit roi ne pleure pas, Béatrice Deru-Renard, Edith Grattery, Pastel
Un texte qui parle du deuil de façon originale et décalée. C’est l’histoire d’un petit prince qui devient roi prématurément à la mort de son papa. L’habit et la fonction sont trop grands pour lui ou bien le poids de sa tristesse ne lui permettent pas d’endosser toutes ses responsabilités, et cette injonction de ne pas pleurer est un fardeau trop lourd à porter. Il faudra l’aide de Triboulet le bouffon pour que notre jeune roi assume son rôle et dépasse sa peine. Les illustrations s’interposent entre les paragraphes du texte, et l’animent avec justesse.
La mort d’un enfant
- Albertus l’ours du grand large, Laurence Gillot, Thibaut Rassat, Milan
Une histoire improbable de doudou égaré dans un milieu très masculin de marins vigoureux, une histoire de papa meurtri qui a perdu un enfant, une histoire de chagrin secret que l’on dépasse grâce à un geste généreux. De belles images de bateaux et de mer. Une façon très originale et un brin décalé de traiter de la mort d’un enfant.
- Falikou, Catherine Loëdec Jörg, Le buveur d’encre
Falikou est un petit garçon qui vit heureux au village entouré de ses sept frères et sœurs et porté par la tendresse et l’amour de ses parents jusqu’à ce qu’il découvre un chemin qui part loin dans la forêt… Falikou pressent alors que son départ est proche et il s’en ouvre à ses parents. Ces derniers vont avec une infinie douceur et une immense sérénité l’accompagner vers ce voyage sans retour. La métaphore du chemin est délicate, le texte très tendre et paisible. Une belle réussite.
- L’étoile de Léa Patrick Gilson, Claude K. Dubois, Mijade
Léa est la grande copine de Baptiste, mais aujourd’hui elle ne viendra pas à l’école car elle est gravement malade. Baptiste, un temps sidéré par sa tristesse, va finalement accompagner Léa de toute son amitié et de toute sa vivacité d’enfant jusqu’au bout. Ce n’est probablement pas très réaliste mais c’est bien le but de la littérature d’inventer tous les possibles. C’est une belle histoire touchante et sensible.
- Le cimetière des mots doux, Agnès Ledig, Frédéric Pilot, Albin
Elle s’appelle Annabelle, elle a tout au plus 6 ou 7 ans. Elle parle à la première personne et d’emblée au passé de Simon son amoureux disparu après une maladie grave (une leucémie). Annabelle raconte d’abord leur complicité sous l’œil bienveillant du grand frère Thomas, le choc de l’annonce de sa maladie, la douleur de l’absence pendant les longues semaines d’hospitalisation, le fil ténu de leurs liens par les lettres qu’elle lui adresse depuis l’hôpital, l’effondrement à l’annonce du décès et le chemin difficile du deuil dans lequel Thomas le grand frère l’accompagne. Le ton est authentique, les émotions clairement nommées, les illustrations plutôt réalistes, n’ajoutent rien au texte.
- Poussinou s’en est allé, Véronique Willems, Marque Belge
Le narrateur est Titi, le grand frère de Poussinou, à qui ses parents viennent d’annoncer la triste nouvelle : « Poussinou est mort. ». Et l’on accompagne Titi dans ses interrogations, son incrédulité, ses sentiments d’abandon ou de jalousie et son travail de deuil. Titi chemine à son rythme, soutenu par la bienveillance de ses parents qui malgré leur tristesse accueillent les sentiments parfois ambivalents de leur aîné. Il y a des moments de poésie dans ce texte qui allègent un peu son côté pédagogique. Les illustrations sont des dessins que l’on prêterait volontiers à un enfant.
L’interruption d’une grossesse
- Maman hirondelle, Evelyne Fournier, Chloloula, Crackboom !
C’est l’histoire d’un œuf qui est tombé accidentellement du nid et n’éclora pas. C’est l’histoire d’un petit garçon qui console sa maman de toute sa vigueur et de toute son innocence face au drame, face à la perte de la promesse d’une naissance. C’est un texte léger, servi par de magnifiques images très colorées d’une nature luxuriante pour aborder le thème grave de la fausse couche.
- Papillon noir, Elisabeth Ober, Laura Laguillaumie, Agnès Pérance, Nicole Crème, Les éditions grand Luxe Papillon noir
Un texte très pudique écrit à la première personne. Une petite fille se bat contre un papillon noir qui hante ses nuits et ses journées. Et l’on comprend à demi mot qu’il s’agit de la représentation imagée de la tristesse qui engloutit cette famille à la suite d’une grossesse qui s’est mal finie. Il faudra l’aide d’une grand-mère aimante pour que l’enfant comprenne et reprenne sa place, du côté des vivants. Les illustrations qui sont d’une infinie délicatesse donnent des indices au lecteur.
- Pour toute la vie, Sophie Helmlinger, Didier Jean et Zad, Utopique
Cet album fait le récit d’une grossesse qui s’interrompt à travers le prisme de la grande sœur. C’est la grand-mère de l’enfant qui va expliquer à sa petite fille la mort de ce petit frère avant même sa naissance. Le questionnement de cette enfant est probablement un peu trop explicite pour être vrai mais ce texte a le mérite d’aborder un thème rare avec audace et délicatesse. Les illustrations n’utilisent que trois couleurs le noir, le blanc et le rouge et semblent être dessinée à la craie, elles font écho à la tristesse de cette famille.
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