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Les années collège : une période décisive pour l’adolescent, les parents et l’institution qui l’accueille

Mis à jour le 13 février 2023 2 de nos experts

Adolescents années collège

L’entrée au collège signe la sortie du monde de l’enfance, et fonctionne comme un accélérateur de croissance, un signal social du passage adolescent. Les années collège (de la 6ème et la 3ème, entre l’âge de 11 et 15 ans) coïncident avec les transformations pubertaires (survenant un peu plus précocement chez la fille) et les remaniements psychiques et relationnels qu’ils impliquent. Les enjeux sont à la mesure des tâches qui concernent chacun des protagonistes impliqués.

Sommaire de l'article

Du coté de l’adolescent

Les tâches à mener de front sont multiples :

  1. Quitter le monde de l’enfance, soit un mouvement de séparation en vue de s’affirmer comme un individu en voie d’autonomisation, s’efforçant de régler la question de la bonne distance avec les parents qui pourrait se formuler ainsi: « comment s’éloigner sans se perdre »  « Comment devenir un être original sans renier ses origines » (Ph Jeammet).
  2. Changer son regard sur le monde et s’ouvrir à l’altérité comme la sexualisation l’y engage.
  3. Ajuster son rapport aux autres : le regard des pairs devient essentiel pour se situer, à distance des parents et contribue à forger pour l’adolescent une identité de transition… tout se passe comme si le travail de séparation psychique qui s’accomplit à l’égard des parents induisait le besoin d’adhésion au groupe, comme en témoigne par exemple le conformisme vestimentaire codé caricatural à cet âge…
  4. Apprendre à apprendre, structurer sa pensée, accéder à la pensée abstraite et à la démarche hypothético-déductive… C’est dans le courant de la classe de 4ème que survient ce moment pivot qui, aux yeux de l’adolescent, peut constituer une mutation vertigineuse de sa façon de penser.

L’enquête « Portraits d’adolescents » apporte de précieuses indications sur la perception de l’école par l’adolescent :

Du coté des parents

C’est une nouvelle étape dans l’accompagnement qu’ils s’efforcent d’assurer pour faciliter la réussite scolaire de leur enfant : il faut bien faire avec des matières supplémentaires enseignées par des professeurs multiples, des contrôles et évaluations itératives, une organisation de l’emploi du temps pour leur adolescent qui va retentir sur la vie familiale… et une attente anxieuse de l’orientation qui sera retenue à l’issue des années collèges qui s’annoncent décisives au regard des projets professionnels d’avenir… Niveau scolaire et futur niveau social paraissent indéfectiblement liés.

Du coté de enseignants

  1. Une perplexité face à la dualité de leurs objectifs, puisque le collège est à la fois un lieu de sélection inévitable, marqué par l’omniprésence des évaluations et contrôles mais aussi lieu d’épanouissement où chaque élève devrait trouver le moyen de réaliser ses ambitions plutôt que d’être amené à faire des choix par défaut. La réussite au collège conditionne de fait la poursuite des études vers le lycée ou l’exclusion de la filière générale et l’orientation vers des filières courtes injustement dépréciées. Les années collège semblent ainsi marquées par l’attente de ce verdict avec pour conséquence le risque de démotivation des élèves, à la recherche de moyens pour tromper leur ennui et trouver d’autres sources de valorisation…
  2. Une perplexité face à une classe hétérogène avec des élèves qui sont à des étapes très différentes tant dans leur parcours adolescent que dans leur capacité d’abstraction.
  3. Une perplexité face à la diversité des missions de l’enseignant : au-delà de la seule transmission des savoirs académiques, quelle place laisser au travail en groupe, au soutien individuel, au tutorat, aux travaux manuels ou technologiques ?

À l’adolescence, la disponibilité de l’adolescent pour les apprentissages ne va pas de soi

À l’adolescence, les bouleversements tant physiques que psychiques accaparent l’adolescent du fait de l’impact de ces changements sur sa personne : la disponibilité pour les apprentissages n’est pas acquise… Tout adolescent traverse ainsi une période de « fléchissement scolaire », le plus souvent transitoire, fluctuant au gré des interventions et semonces des adultes. Ces fléchissements sont à recevoir comme une trace, une secousse des remaniements, dans les investissements affectifs et cognitifs. Les conséquences en seront variables, dépendant à la fois de la tolérance de l’environnement que des acquis constitués dans l’enfance.

Au delà du simple fléchissement, il est des situations autrement préoccupantes, manifestées par une symptomatologie qui doit alerter :

  • Agitation & instabilité
  • Comportements agressifs : jeux dangereux, violation des règles
  • Inhibition & mutisme : adolescent isolé, « transparent »
  • Troubles anxieux, somatisation
  • Le renoncement à penser par anxiété, par opposition
  • Inhibition à penser par refus inconscient de la compétition et de la réussite

Retrouvez notre article qui traite de ces situations, telles que :

  • l’ hyper-investissement scolaire
  • l’échec scolaire durable
  • le refus anxieux & la phobie scolaire.

Le fléchissement scolaire appelle une vigilance bienveillante et d’en comprendre le sens

Contrastant avec un parcours scolaire satisfaisant, une dégradation des résultats se manifeste parallèlement à un manque de concentration, de motivation, un désintérêt, une difficulté à se mobiliser dans l’organisation du travail.

Il arrive que cette panne de motivation et ce fléchissement scolaire soient réactionnels à des événements extérieurs : maladie d’un parent ou de l’enfant lui-même, décès d’un proche, séparation parentale, rupture amoureuse ou amicale…

Cependant la survenue de ce fléchissement en classe de 4ème est souvent concomitante avec l’avènement de la puberté, de la sexualisation et du travail de réaménagement identificatoire impliquant une mise en cause des figures parentales et des investissements passés : travailler pour faire plaisir aux parents ne fonctionne plus…

C’est souvent au cours du premier trimestre de l’année que les résultats se dégradent dans une ou plusieurs matières, l’adolescent s’en inquiète dans un premier temps, puis dans une seconde phase, le fléchissement s’étend aux autres matières ou se limite à une seule où l’échec est massif. L’adolescent se replie, s’éloigne de son milieu familial, refuse le dialogue et oppose une forme de détachement empreint de morosité.

Il semble gagné par la tentation du sabordage : déployer des efforts sans garantie de succès est difficilement pensable… Par contre, échouer par absence de travail parait plus acceptable. La recherche délibérée de l’échec, qui s’inscrit dans une forme de politique du pire, offre paradoxalement un certain réconfort propre à recouvrir la blessure d’amour-propre (narcissique) induite par les mauvaises notes. Cette revendication cynique masque mal l’ébranlement de la confiance en soi.

Cet article vous a-t-il été utile ?

  • Médecine et Santé de l’Adolescent : pour une approche globale et interdisciplinaire, Elsevier 2019, Chapitre 25 et 44
  • Nicole Catheline, Psychopathologie de la scolarité, Elsevier 2012
  • C Jousselme, Portraits d’ Adolescents, INSERM 2013

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