Il ne mange pas les aliments qu’il ne connait pas, ou sélectionne les aliments : la néophobie
Mis à jour le 30 octobre 2024 2 de nos experts
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La néophobie est définie par la réticence à goûter un aliment nouveau, mais elle se manifeste aussi par une certaine sélectivité avec le refus d’aliments acceptés antérieurement et une restriction du registre alimentaire. Fréquente entre 18 mois et 6 ans, elle ne constitue pas un trouble du développement, mais correspond à une phase normale de ce développement.
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Définitions
1/ La néophobie signifie la crainte ou le refus d’aliments nouveaux. Très fréquente chez l’enfant, elle n’est pas spécifique de l’espèce humaine mais s’observe chez les omnivores comme le rat, le singe et certains oiseaux. Cette peur éprouvée face à des aliments inconnus est un mécanisme adaptatif, une protection vis-à-vis d’une éventuelle toxicité. Les aliments nouveaux suscitent de manière universelle des réticences chez l’enfant. Le rejet ne se produit pas lors de la dégustation mais auparavant par la vue, l’odeur, le toucher des aliments. Ce comportement ne constitue pas un trouble du développement, mais correspond à une phase normale de ce développement, avec une influence génétique possible.
2/ La néophobie se manifeste aussi par une certaine sélectivité : c’est le refus d’aliments acceptés antérieurement avec restriction du registre alimentaire (principalement : légumes, fruits, poissons) alors que les aliments à forte densité calorique, certaines viandes et les aliments sucrés restent appréciés. L’enfant est attiré par les aliments doux et denses et refuse les aliments forts et peu denses : il sait associer l’aspect de l’aliment et son caractère plus ou moins rassasiant dès 2 ou 3 ans [1].
La néophobie débute vers 18 mois et se manifeste principalement entre 2 et 6 ans. Puis la néophobie et la sélectivité s’atténuent progressivement [1]. La néophobie est très fréquente chez l’enfant (77%) avec 3 degrés :
1/ l’enfant demande à goûter avant de consommer ou non le plat,
2/ il accepte de goûter sous la contrainte, mais sans modifier son point de vue initial,
3/ il refuse catégoriquement de goûter des produits nouveaux (véritable phobie) [2].
Prévention
Le bébé est exposé in utero à divers composés aromatiques, par la déglutition du liquide amniotique, en fonction de l’alimentation de sa mère : cette exposition favorise l’acceptabilité ultérieure d’aliments porteurs de ces arômes [5]. L’alimentation des femmes enceintes doit donc être très diversifiée.
L’enfant au biberon reçoit un lait à goût constant, alors que l’enfant allaité est familiarisé avec différents arômes selon l’alimentation de sa mère : une grande diversité alimentaire lui est ainsi conseillée [6]. Le goût du lait artificiel peut influencer les préférences gustatives ultérieures, et cette exposition aromatique précoce peut influencer les préférences alimentaires pendant très longtemps [7].
A l’âge de la diversification les aliments dont les arômes ont déjà été rencontrés in utero ou lors de l’allaitement sont mieux acceptés. Si l’ingestion d’un nouvel aliment n’entraîne pas d’effets indésirables, il sera considéré comme non toxique et sera davantage consommé ultérieurement, selon la notion de “sécurité apprise” [8].
L’acceptation initiale d’un aliment, et le nombre d’expositions nécessaires pour sa bonne acceptabilité, varient selon la saveur et la texture : plus difficile pour les saveurs acides ou amères, et les textures granuleuses ou collantes. Souvent les mères délaissent un aliment refusé, alors que si l’on persiste à proposer cet aliment au moins 8 fois, sans contrainte, le bébé finit par l’accepter et l’apprécier [8]. Le nombre d’expositions nécessaires augmente avec l’âge, jusqu’à 15 chez le plus grand. Si l’on varie les aliments chaque jour, l’acceptabilité d’aliments nouveaux est facilitée [9]. La précocité de la diversification et la diversité alimentaire limitent les réactions de néophobie. Il faut profiter de la période de néophilie qui dure jusqu’à 18 mois pour proposer la plus grande variété possible d’aliments le plus précocement possible au delà de 4 à 6 mois. Il est préférable que les aliments soient proposés un à un pendant les premiers mois de la diversification pour que l’enfant apprenne le goût et la texture de chaque aliment.
Le retard d’introduction d’aliments à texture moins lisse et de morceaux rend ultérieurement plus difficile l’acceptabilité d’aliments nouveaux.
Prise en charge
L’acceptabilité de nouvelles saveurs et de nouvelles textures varie d’un enfant à l’autre. Elle est favorisée par la convivialité. Les repas, moments de plaisir en famille, sans télévision, facilitent la découverte de nouveaux aliments. Cette découverte est aussi favorisée par l’imitation d’autres enfants en collectivité. L’exemplarité est efficace à l’inverse du raisonnement.
L’éducation au goût est avant tout un plaisir : un sentiment naturel pour les aliments denses mais à apprendre pour les autres. La participation de l’enfant au marché et à la préparation des repas est conseillée pour lui apprendre à connaître les aliments : il les appréciera davantage. On peut éviter la monotonie en jouant avec les épices et les herbes aromatiques.
Si l’enfant refuse un aliment il faut l’encourager à le goûter, attiser sa curiosité, tout en respectant ses goûts et son appétit, sans jamais le forcer. Il faut lui proposer de nouveau avec persévérance et en changeant les présentations : le chou-fleur est préféré en gratin plutôt qu’à la vapeur ou en salade [1]. Il faut respecter le rythme de 4 repas quotidiens et ne pas remplacer un aliment refusé par un autre, ni compenser les refus par des aliments de grignotage entre les repas.
A table il ne faut pas surveiller ce que mange l’enfant et ne montrer aucune inquiétude s’il a peu mangé. Des portions trop importantes risquent de le décourager : il vaut mieux qu’il sache écouter sa faim et sa sensation de satiété afin de s’autoréguler. Il faut éviter le chantage, les réprimandes ou les punitions si l’enfant a peu ou pas mangé, et ne pas le féliciter ou le récompenser s’il a bien mangé. Les parents doivent éviter d’évoquer sans cesse ce problème à l’enfant, et d’en parler entre eux ou à une tierce personne devant lui : il se rend compte qu’il a un pouvoir sur eux en refusant la nourriture, et il peut en jouer, surtout s’il a une personnalité forte. Un besoin d’opposition peut développer une hyper-sélectivité et mettre les parents en échec. Ils doivent montrer par leur attitude que le refus de manger leur est indifférent et faire comme si cela n’avait pas d’importance pour eux. Si les repas deviennent un combat et une source d’angoisse pour chacun ceci aggrave l’impossibilité de partager du plaisir aux repas. Plus on répond par la contrainte à cette opposition plus elle s’affirme et plus le conflit s’aggrave et se focalise sur l’alimentation pour longtemps. L’enfant ne va pas dépérir même s’il saute quelques repas. Plus les parents sont permissifs dans l’alimentation de leur enfant (courses d’après ses goûts, aliments – récompense, remplacement d’aliment refusé, etc.), plus celui-ci sera sélectif [10].
Le picky-eating doit être différencié de la néophobie
Le picky-eater (mangeur difficile) est hyper-sélectif et ne mange qu’un seul type d’aliments (sans fruits et légumes) avec un risque de carences et de ralentissement de croissance, source de stress et d’anxiété chez les parents [3]. Ce comportement pathologique, durable, est lié à une grande anxiété et une forte sensibilité aux informations sensorielles, alors que la néophobie est physiologique et transitoire[4]. Les picky-eaters sont moins susceptibles de consommer des plats d’aliments mélangés. Une phobie peut aussi être une cause de sélectivité, la peur de l’étouffement par exemple. Pour le picky eater une prise en charge médico-psychologique prolongée avec l’aide d’une diététicienne est nécessaire. La néophobie et le picky-eating sont des constructions théoriquement connexes mais comportementalement différentes.
Le picky-eating est un comportement pathologique, durable et rare, alors que la néophobie est un comportement physiologique, transitoire et fréquent.
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En bref
- La néophobie est une situation fréquente, mais passagère,
- souvent angoissante pour les parents.
- Il s’agit d’une étape normale du développement.
- Des mesures préventives pendant la période de néophilie permettent de limiter la réduction de la palette des choix alimentaires
- La prise en charge de la néophobie nécessite bienveillance et patience
- Le picky eating (hyper-sélectivité alimentaire) est une situation différente, pathologique et durable
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Dr Alain BOCQUET
Pédiatre. Responsable du Groupe « nutrition » de l’AFPA. Membre du Comité de Nutrition de la Société Française de Pédiatrie (SFP). Past-Président de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA).
Pr Michel VIDAILHET
Spécialité : Gastro entérologie, nutrition – Professeur émérite de Pédiatrie à la Faculté de Médecine de Nancy et ancien Chef du service de Pédiatrie et Génétique Clinique de l'hôpital d'enfants du CHU de...
1. Rigal N. la naissance du goût 2002. http://www.agrobiosciences.org/img/pdf/cahier_rigal.pdf
2. Hanse L. La néophobie alimentaire chez l’enfant. Thèse doctorat : Psychologie. Paris 10 : 1994
3. Dovey T M. Food neophobia and ‘picky/fussy’ eating in children: a review. Appetite 2008 Mar-mai;50 (2-3):181-93
4. Farrow C V, Coulthard H. Relationships between sensory sensitivity, anxiety and selective eating in children. Appetite 2012 Jun;58(3):842-6
5. Schaal B, Marlier L, Soussignan R. Human foetuses learn odours from their pregnant mother’s diet. Chem Senses 2000;25:729-37
6. Mennella JA, Jagnow CP, Beauchamp GK. Prenatal and postnatal flavour learning by human infants. Pediatrics 2001;107:E88
7. Haller R, Rummel C, Henneberg S, et al. The influence of early experience with vanillin on food preference later in life. Chem Senses 1999;24:465-7
8. Maïer A, Chabanet C, Schaal B, et al. Effects of repeated exposure on acceptance of initially disliked vegetables in 7-month old infants. Food Quality and Preference 2007;18(8):1023-32
9. Maïer AS, Chabanet C, Schaal B et al. Breast-feeding and experience with variety early in weaning increase infant’s acceptance of new foods for up to two months. Clin Nutr 2008;27: 849-57
10. Hetherington M, et al. Feeding infants and young children. From guidelines to practice. Appetite 2011;57:791-795
Note :
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