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Le goût, ça s’apprend tôt !

Mis à jour le 30 octobre 2024 Dr Alain BOCQUET

Education Du Gout Enfant

L’alimentation de votre enfant ne se résume pas à une fourniture de calories et au respect des recommandations d’apports en protéines, lipides, glucides, calcium et vitamines… Le plaisir de manger est très important, lié principalement à l’éducation du goût qui permettra à votre enfant de devenir un petit « gourmet » avide de découvrir de nouveaux aliments, de nouvelles saveurs.

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L’éducation du goût commence très tôt

Pendant la grossesse votre bébé a déjà été exposé, par la déglutition du liquide amniotique, à divers composés aromatiques qui sont fonction de votre alimentation.

  • Ainsi des bébés dont les mères ont consommé des produits anisés pendant la grossesse sont plus attirés par cette saveur (1).
  • De même la consommation de carottes par la femme enceinte augmente l’attirance pour les carottes à 6 mois (2).

L’enfant nourri au sein est familiarisé avec différents arômes car le goût du lait se modifie en fonction des aliments consommés par la mère. L’exposition à ces différentes flaveurs favorise l’acceptabilité ultérieure d’aliments nouveaux, porteurs de ces arômes.

Ainsi la consommation de carottes pendant l’allaitement développe chez le bébé une préférence pour les céréales préparées avec du jus de carottes plutôt qu’avec de l’eau. Cette préférence n’existe pas chez les nourrissons qui n’ont pas été exposés à cet arôme (3).

L’enfant nourri au biberon reçoit un lait à goût constant mais le goût du lait artificiel peut influencer les préférences gustatives ultérieures. Les nourrissons qui reçoivent certains hydrolysats (laits pour enfants allergiques au lait de vache) avec des goûts particuliers (saveurs acide ou amère, arômes de brûlé) dès les premiers mois de leur vie acceptent ces arômes à 7 mois et ½, alors que ceux qui n’en ont jamais reçu les refusent (3).

Une exposition aromatique précoce peut donc influencer les préférences alimentaires ultérieures. On a ainsi montré que des enfants ayant consommé du lait artificiel vanillé, préféraient à l’âge adulte un ketchup très légèrement vanillé par rapport à des adultes qui avaient été allaités (4).

L’éducation du goût au moment de la diversification alimentaire

Pendant la diversification alimentaire, l’enfant passe d’une alimentation lactée à une alimentation se rapprochant progressivement de celle de l’adulte, avec des saveurs, des arômes et des textures variées. A l’âge de la diversification les aliments dont les arômes ont déjà été rencontrés in utero ou lors de l’allaitement sont mieux acceptés. Si l’ingestion d’un nouvel aliment n’entraîne pas d’effets indésirables, il sera considéré comme «non toxique» et sera plus aisément consommé lorsqu’il sera proposé ultérieurement, selon la notion de « sécurité apprise » (5).

L’acceptation initiale d’un aliment, et le nombre d’expositions nécessaires pour une bonne acceptabilité, varient selon la saveur et la texture de cet aliment: il est souvent plus difficile de faire accepter des saveurs acides ou amères, ou des textures granuleuses ou collantes. Souvent les mères délaissent un aliment refusé plusieurs fois, alors que si l’on persiste à proposer cet aliment, l’enfant finit par l’accepter et l’apprécier. Une étude a montré qu’un légume non apprécié par l’enfant et proposé malgré tout 1 jour sur 2 pendant 8 repas était mieux accepté chez 84% des enfants et que chez 70% d’entre eux la consommation de ce légume devenait identique à celle des légumes habituellement appréciés (5).

Si l’on varie les aliments proposés chaque jour, l’acceptabilité d’aliments nouveaux est facilitée. A l’âge de la diversification, la comparaison entre des nourrissons allemands recevant tous les jours la même purée de carottes et des nourrissons français recevant 3 légumes différents alternés chaque jour a révélé que les petits français acceptaient plus facilement de nouveaux légumes, et que cette acceptabilité facilitée d’aliments nouveaux persistait plusieurs mois chez les enfants qui avaient été allaités (6).

La diversité alimentaire précoce permet ainsi une diminution des réactions de néophobie qui apparaissent vers la fin de la 2e année.

L’acceptation d’aliments en morceaux dépend du développement des compétences de mastication – déglutition et de l’éruption des dents. Elle est facilitée par une introduction précoce d’aliments à texture moins lisse. On a montré que des enfants de 15 mois qui n’avaient reçu des aliments grossièrement mixés qu’après 10 mois étaient plus difficiles (7).

L’acceptabilité des nouvelles saveurs et de nouvelles textures varie beaucoup d’un enfant à l’autre. Elle est favorisée par la convivialité avec la découverte de nouveaux aliments en famille. Le repas ne doit pas devenir conflictuel en cas de refus.

C’est à vous de choisir le menu

Vous avez, en tant que parent, un rôle important dans la construction du goût de votre enfant. C’est à vous de l’accompagner dans la découverte de nouvelles saveurs. Petit à petit, votre enfant suivra les goûts familiaux et se mettra à les apprécier. Contentez-vous de mettre du sel dans l’eau de cuisson des légumes et évitez de resaler ensuite les aliments proposés à votre enfant, à tout âge mais surtout avant 3 ans. Les menus familiaux sont l’occasion pour votre enfant de faire travailler ses papilles avec de nouveaux aliments, mais il ne faut pas être trop rigide. S’il n’apprécie vraiment pas un légume, n’insistez pas trop et proposez le sous une autre forme. En revanche, s’il raffole des tomates, vous pouvez en cuisiner plusieurs fois par semaine. N’oubliez pas que les papilles de votre enfant sont différentes. Les saveurs très prononcées le sont encore plus pour lui, mais il peut vous étonner en appréciant des aliments au goût très marqué comme le roquefort ou les cornichons par exemple! Parfois il lui faut du temps pour s’habituer à un nouveau goût. Il est généralement plus sensible au sucré.

Construire de nouveaux goûts

L’éducation au goût va se construire progressivement. Vous allez éduquer votre enfant, très tôt, dans le plaisir de manger. Tout d’abord, essayez de diversifier ses aliments en lui proposant des nouveautés. Parlez-lui de cet aliment, rassurez-le, montrez lui que vous l’appréciez. Commencez par de petites quantités, proposez le lui à nouveau, plusieurs fois de suite. Une fois que votre enfant a adopté un aliment sous une certaine forme, ne changez pas trop vite, laissez lui le temps de s’habituer, puis vous pourrez opter pour une présentation différente.

Vous pouvez laisser à votre enfant le choix dans une même catégorie d’aliments. S’il ne veut pas de concombre, laissez-le choisir des carottes! C’est aussi une bonne manière de lui faire prendre conscience de la variété des produits(s’il refuse du fromage, proposez-lui un yaourt, par exemple) La variété se retrouve également dans les modes de préparation, les recettes. Essayez différentes cuissons, différentes présentations. Mettez aussi de la couleur dans les assiettes, des herbes, des épices.

L’éveil au goût passe par les cinq sens, faites-lui découvrir les aliments de différentes manières: le goût, l’odorat, le toucher, l’ouïe, la vue. Pour cela, à partir de 2 ans, il est intéressant d’aller découvrir les aliments ensemble, en faisant les courses, au marché, ou même à la ferme, ou en allant récolter les légumes au jardin… Enseignez à votre enfant le nom des fruits, des légumes, des poissons… Il peut aussi assister ou participer à la préparation en cuisine. Votre enfant aura très envie de goûter le légume que vous avez acheté ou cueilli ensemble, puis cuit, coupé, râpé, assaisonné, touillé… Progressivement il deviendra « gourmet ».

Pour savoir comment gérer les difficultés alimentaires des enfants vous pouvez visionner la sélection de livre de Doc Lili sur le sujet

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Découvrez aussi notre podcast Premières cuilleréesComment bien démarrer la diversification ? présenté par le Dr Sandra Brancato, à découvrir ici…

Et sur notre chaine Youtube !

 

Le conseil du pédiatre

« Si tu ne manges pas tes épinards, tu seras privé de télé ! »

N’associez pas l’alimentation à la récompense ou la punition, ce n’est pas le meilleur moyen de faire de l’alimentation un plaisir, et ce n’est pas très valorisant pour le plat « forcé ». Il est aussi néfaste de féliciter un enfant qui a bien mangé, que de punir ou de réprimander un enfant qui ne veut pas manger. Votre enfant aura vite compris qu’il a un énorme pouvoir sur vous par cette attitude de refus…

Si votre enfant ne mange pas, ne remplacez pas le plat refusé par un autre aliment, ne lui donnez pas autre chose pour compenser et ne cédez pas à la tentation du grignotage entre les repas.

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  1. Schaal B, Marlier L, Soussignan R. Human foetuses learn odours from their pregnant mother’s diet. Chemical Senses. 2000;25:729-37.
  2. Mennella JA, Jagnow CP, Beauchamp GK. Prenatal and postnatal flavour learning by human infants. Pediatrics 2001;107:E88.
  3. Mennella JA, Griffin CE, Beauchamp GK. Flavor programming during infancy.Pediatrics 2004;113:840-5.
  4. Haller R, Rummel C, Henneberg S, et al. The influence of early experience with vanillin on food preference later in life. Chem Senses 1999;24:465-7.
  5. Maïer A, Chabanet C, Schaal B, et al. Effects of repeated exposure on acceptance of initially disliked vegetables in 7-month old infants. Food Quality and Preference 2007;18(8):1023-32.
  6. Maïer AS, Chabanet C, Schaal B et al. Breast-feeding and experience with variety early in weaning increase infant’s acceptance of new foods for up to two months. Clin Nutr 2008;27: 849-57.
  7. Northstone K, Emmeth P, Nethersole F, et al. The effect of age of introduction to lumpy solids on foods eaten and reported feeding difficulties at 6 and 15 months. J Hum Nutr Diet 2001;14:43-54.
  8. Bocquet A. La diversification alimentaire. In : O Goulet, M Vidailhet, D Turck, coordinateurs. Alimentation de l’enfant en situation normale et pathologique. 2ème édition, Doin éditeurs, Paris. 2012 : 175-91

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